Les créatures de la forêt...

Sora, haletant, s'arrêta de courir et s'appuya contre un érable qui bordait le sentier terreux qu'il suivait depuis plus d'une heure.
Il se remémora l'espace d'une seconde le visage de soeur Toth, son sang qui glissait sur le tapis de plumes, ses mains écarlates...
Il ne savait pas comment cela s'était passé mais imaginait très bien la scène. C'était encore ce double, cette affreuse part criminelle qui vivait en lui depuis sa naissance, peut-être même avant, qui avait dû prendre le contrôle de son corps, et assassiner Soeur Toth...

Quand il s'était "réveillé" de cet état de transe démoniaque, elle était bel et bien morte. Jamais plus il ne pourra retourner dans l'Etemanki après ce crime odieux. De toutes façons pourquoi revenir dans une tour gigantesque dans laquelle on a été séquestré durant 17 ans?

A bout de nerfs et de souffle, Sora tenta de reprendre ses esprits.
"Voyons voir", soliloqua-t-il. "Je viens de m'enfuir alors qu'on me gardait prisonnier depuis ma naissance... Donc des gardes vont partir à ma recherche... Il faut que je trouve un endroit où me cacher."

Sans prendre le temps d'examiner les lieux, il se remit en route, marchant droit devant lui. Il sentait une sorte d'aura mystérieuse dans cette forêt, qui l'attirait irrésistiblement, mais n'arrivait pas à l'analyser...

Soudain, il entendit un hurlement long comme une plainte et aussi déchirant qu'un coup de couteau.
Une masse noire se dressa sous ses yeux, menaçante.
Une goule. L'ignoble faciès décomposé de la créature lui glaça le sang. Cette horreur ressemblait pourtant à un être humain, mais l'odeur putride qui s'en dégageait et son aspect vampirique en faisait tout bonnement un monstre de la pire espèce, un véritable cannibale.

Sora vociféra de toutes ses forces. Sa voix n'avait pas encore tout à fait mué, aussi elle faisait des trémollos et zigzaguait dans les graves et les aigus. La goule sembla ricaner et se jeta sur lui en étalant fièrement tous ses crocs...

Le jeune ange roula sur le côté pour esquiver l'attaque, mais la goule parvint à l'écorcher de ses griffes acérées. Du sang perla sur la terre humide. Sora se concentra une seconde et envoya une rafale de vent à la figure du monstre. Ce dernier voltigea à quelques mètres, mais indemne.

Sora comprit alors qu'il aurait besoin d'aide...

La goule bondissait dans toutes les directions, et bien que sora parvînt à l'éviter à chaque fois, elle lui infligeait des blessures en plus.
Il usa d'une énième rafale inutile qui laissa le monstre totalement indifférent.
Sora était pris d'une panique inimaginable. Jamais il n'avait eu aussi peur, pas même lors de sa fuite de l'Etemanki.
Il pria pour qu'un inconnu vienne à son secours au plus vite, tout en larguant une bouffée électrique à son adversaire.

*Je n'en viendrai pas à bout...* se répétait-il.

La goule feinta d'un seul coup et se retrouva à califourchon sur le torse de Sora, plaqué au sol sans comprendre qui venait de se passer.
Il sentit l'haleine infernale qui se dégageait de cette gueule immense et béante dentée de crocs pourris. Les loques dont était habillée la bête sentaient le fumier et sa peau bleuâtre luisait sous la lune qui traversait les feuillages denses.

Sora tremblait de tous ses membres.
Il aurait tant aimé que son double apparaisse à ce moment précis et crame cette atrocité ambulante !
Il avait nommé la partie démoniaque de lui-même "Aros", anagramme de "Sora".
Alors il l'appela...

*Aros... Aros... Viens, je t'en prie...*

Mais Aros ne voulait pas. Il voulait le laisser mourir, se faire arracher les tripes par la goule affamée...
Sora sentit les larmes affluer sous ses paupières closes. Il songea aux souvenirs qu'il avait de sa mère.
Au moins, il mourrait en pensant à elle...

Soudain, il entendit un bruit doux, comme un frisson, venant de derrière lui... Une blancheur éclatante frappa son visage et éblouit la goule...

La présence se faisait de plus en plus proche au fur et à mesure qu'il s'approchait de la forêt. Et plus il avançait, plus il sentait la présence d'une autre personne, surement un ange. A cette sensation, Archibald sentit le besoin de se dépécher, et il pressa le vol. Une forte odeure de putréfaction pouvait être sentie dans la même direction que les présences. cette odeure ne lui dit rien qui vaille, et même une légère inquiétude pouvait être disserné sur le visage de Archibald. Il effaca ce doute et reprit ses esprits. Il pouvait voir l'orée de la fôrêt à quelques distance de là où il était, et il se rapprochait rapidement.

Archibald pénétra dans la forêt et remarqua des traces de pas. Les pas se rétrécissaient, preuve d'un arret d'une course rapide et soutenue. En suivant les pas, l'odeur augmentait encore et encore, jusqu'à ce que Archibald eut un haut le coeur. Il regarda devant lui, et à quelques mètres de là où il se tenait, un ange à deux paires d'ailes et une goule se tenaient l'un devant l'autre, l'ange déja amoché par un combat rude. la goule semblait quant à elle dans un état de forme encore intact. La situation était étrange. D'un, l'ange avait deux paires d'ailes, fait très rare. mais le plus étonnant, c'est qu'une créature de la mort avait pénétré dans la foret du monde Dieu, pas loin de Soupir, ce qui était normalement impensable.

Mais l'heure n'était pas aux pensées pour le moment inutile, et Archibald sortit les mains de sa robe blanche. Ces longues mains pales devinrent bleues un instant et un souffle glaciale prit par surprise la goule et la projeta à quelques pas de l'ange, en état d'affaiblissement inquiétant. Mais à peine eut il détourné les yeux de la goule pour s'inquiéter de l'ange, que la créature immonde s'était déja relevé et avait bondi sur Archibald. Pour qu'une goule sorte de son territoire, puisse apparaitre dans le monde Dieu et se défendre fortement fasse à Archibald, elle devait être d'une puissance peu commune. Archibald esquiva tant bien que mal les griffes de la goule, qui lui arracha un bout de sa robe. On pouvait voir une griffure superficielle se marquée sur le bras gauche de Archibald. Ce dernier esquissa un sourire et envoya une fleche de glace sur la goule, qui la prit dans l'épaule, ce qui eut pour effet de l'énerver encore plus. La douleur et la souffrance se lisait sur le visage de la goule mais passant outre cette souffrance, elle repartit à l'attaque. Cette fois ci, se fut la jambe gauche de Archibald qui trincqua et ce dernier posa genoux à terre. Il regarda l'ange allongé, puis se tourna vers la goule. Il prit un temps pour se concentrer et créa une tempête de glace qui déstabilisa la goule, qui fit quelques pas en arrière, trébucha sur une branche de saule, et tomba à la renverse. Le viel ange en profita pour l'achever, ou plutot la libérer.

Archibald regarda ses blessures et appliqua sa main sur celles-ci. Un simple petite marque resta alors sur ses membres. Il accourut vers l'autre ange. Il remarqua alors que l'ange était encore très jeune. Archibald l'examina rapidement et le soigna en intégralité, sauf une petit contusion à la tête. Archibald n'avait plus la possibilité de soigner sans risquer de s'évanouir. L'ange aux deux paires d'ailes se releva doucement et Archibald lui sourit.

Escuse moi d'avoir mis du temps pour venir t'aider. Tu vas te remettre de la soirée ? Comment t'appeles tu et que faisais tu ici à cette heure et sans aucune autre présence ?

Sora fixa le séraphin d'un drôle d'air. Il était surpris qu'un vieillard lui fût venu en aide à un moment aussi inopiné qu'inespéré.
Il bredouilla quelques remerciements, gêné, et planta ses yeux d'or dans ceux du séraphin. Il sentait toute la puissance de son aura, éclatante, lumineuse, bénéfique...
Les pouvoirs de cet ange devaient être incommensurables.

"Mon... mon nom est Aros", mentit Sora.
C'était le premier nom qui lui était venu à l'esprit. Il ne pouvait pas révéler sa véritable identité, puisqu'il était en fuite de ceux qui l'avaient séquestré dans la Tour... Or il s'agissait des séraphins. Et cet ange en était probablement un, ce qui l'inquitétait fort. Il replia ses deux paires d'ailes dans son dos pour les rendre moins visibles. Il avait trop de particularités pour se fondre dans la masse. Cette couleur d'yeux et de cheveux, ces quatre ailes blanches aux reflets rougis par le feu,...
De plus, il portait un manteau de fourrure blanche ainsi qu'un chapeau assorti. De quoi susciter la curiosité, chose qu'il ne voulait surtout pas !

"Je me suis perdu" ajouta-t-il à l'adresse du vieil ange.

Archibald regarda autour de lui. Personne ne semblait être là et le viel ange reposa alors son regard sur le plus jeune. Sa tête laissait paraitre queles onces de mensonges mais Archibald n'en fit rien. Il s'attendait à ce que l'ange aux deux paires d'ailes lui en disent plus, mais son récit fut effectivement bref.

Tu dis que t'appeles Aros ? Ce n'est pas un nom commun, je dirais même très rare. tes parents doivent être originaux.

Archibald remarqua qu'il avait peut être fait une erreure en parlant des parents d'un inconnu. Il se souvenait bien de la douleur lorsqu'il avait vu les siens mourrir, desailés. Il changea alors de sujet brusquement et revint sur les dernières paroles d'Aros.

On ne t'a jamais appris qu'il était préférable de marcher tranquilement lorsqu'on se perdait ? J'ai vu tes pas et j'avais l'impression au départ que tu fuyais quelquechose... quelle idée saugrenue que j'ai eu. Je ne devrais plus tirer de telle conclusion aussi rapidement la prochaine fois.

Enfait, où habites tu ? Je vais faire la route avec toi pour faire un peu la conversation. Surtout que si une goule était présente ici, il pourrait bien y avoir d'autres créatures pires dans les environs. Cela m'inquiete beaucoup.Saurais-tu pour quelle raison cette dernière est apparue ici ?

Ce vieillard posait décidément trop de questions ! Et Sora ne désirait pas répondre.
Il fronça ses fins sourcils dorés et hocha la tête négativement.

"Euh... Merci de m'avoir aidé mais... je vais continuer seul... Je... je suis pressé..."

Il tourna le dos au séraphin, espérant que ce dernier n'insisterait pas, chose s'avérant impossible chez les séraphins car ils sont pour la plupart assez entêtés...